Peio Dufau : une proposition de loi pour lutter contre la disparition des terres agricoles

Pourquoi une loi est-elle urgente ?

Le foncier agricole est une ressource sous tension croissante, sous la pression de l’artificialisation des sols, de l’étalement urbain, de la concentration des terres et de l’engouement pour le marché de la maison de campagne. La concurrence des usages alimente la détresse et la colère du monde agricole.

La loi d’orientation agricole, qui visait à apaiser les difficultés du monde agricole, a toutefois complètement négligé la question foncière. Pourtant, la préservation des espaces et la protection de l’activité agricole sont indispensables, d’autant plus dans les territoires où la pression foncière est majeure, comme dans le Pays Basque où je suis élu.

 

En 2021, seule la mobilisation avait empêché la vente spéculative d’une propriété à Arbonne. La maison d’habitation, bien qu’entourée de 15 hectares de terres, n’avait pas de vocation agricole, privant la SAFER de sa capacité d’intervention. Mon prédécesseur, Vincent Bru (MODEM), avait déposé une proposition de loi visant à protéger le foncier agricole qui n’a cependant jamais été inscrite à l’ordre du jour. La nécessité de revoir le champ d’intervention des SAFER se fait ressentir plus que jamais. En effet, les cas similaires où la SAFER se retrouve démunie se multiplient, notamment sur les zones tendues et littorales.

Il est nécessaire et urgent de poursuivre l’effort législatif pour améliorer l’efficacité des outils existants, qui protègent les terres agricoles.

Alors qu’une réforme plus profonde du droit foncier est nécessaire, la présente proposition de loi permet de prévenir l’hémorragie du foncier agricole et prévoit, en 4 articles :

  • De consolider le droit de préemption partielle de la SAFER afin de protéger les terres agricoles, essentielles à notre souveraineté alimentaire.
  • D’étendre la capacité d’intervention de la SAFER dans les espaces soumis à une forte pression.
  • De renforcer l’expertise de la SAFER en lui permettant de visiter les biens avant d’exercer son droit de préemption.
  • Les discussions avec les différents syndicats agricoles localement et au niveau national, ainsi qu’avec la SAFER locale et le président de la FN SAFER ont été très positives et confirment un intérêt pour les solutions proposées.

 

Lire la proposition de loi

 

 

La loi en détail

Article 1 : Renforcer le droit de préemption partielle par la possibilité de distinguer le bâti des terres agricoles lors de la notification à la SAFER

Ce que dit actuellement la législation :
Les ventes sont notifiées à la SAFER en incluant tout ce que vend le vendeur à l’acquéreur, même si le parcellaire est dispersé, ou que la vente concerne des bâtis en milieu urbain par exemple. La SAFER ne dispose alors que d’un droit de préemption partielle sur cet ensemble vendu et se voit contrainte soit d’acheter la totalité au prix fixé par le vendeur, soit de renoncer à la vente. Son droit de préemption partielle est ainsi fragilisé et inefficace.

Après adoption de ces propositions :
La SAFER pourra, à sa demande, disposer d’une notification disjointe du bâti et de son jardin d’agrément dans une limite de cinq fois la surface développée. Le délai lui permettant d’exercer son droit de préemption sera alors suspendu.

Article 2 : Adapter le rôle de régulateur de la SAFER dans les espaces soumis à forte concurrence des usages

Ce que dit actuellement la législation :
Dans les zones dites « à vocation agricole » (A ou N du PLUI, NC de la carte communale ou non urbanisé en RNU), les bâtiments sont soumis au droit de préemption de la SAFER s’ils ont servi un usage agricole dans les 5 dernières années. Si la commune est une commune littorale, la possibilité de préemption est élargie aux bâtiments qui ont accueilli une activité agricole dans les 20 dernières années.

Après adoption de ces propositions :
La SAFER sera autorisée à préempter des bâtiments qui ont servi un usage agricole au cours des 20 dernières années dans les communes limitrophes des communes littorales et dans les communes de la zone tendue, qui subissent aujourd’hui une forte pression foncière.
La possibilité d’étendre la liste des communes concernées sera ouverte aux Préfets.

Article 3 : Renforcer l’expertise de la SAFER sur l’évaluation des biens et son rôle de régulateur

Ce que dit actuellement la législation :
Aujourd’hui la législation ne permet pas à la SAFER de visiter le bien préalablement à l’exercice de son droit de préemption. Les notifications sont souvent trop sommaires pour permettre de confirmer la valeur du bien.

Après adoption de ces propositions :
La SAFER verra sa capacité à évaluer les biens consolidée. Elle se verra autorisée à les visiter avant d’exercer son droit de préemption. Ce droit de visite donnera à la SAFER les moyens de réaliser une évaluation plus juste des biens mis sur le marché et renforcera ainsi son expertise et sa capacité à réguler les prix.

L’érosion foncière en quelques chiffres :

  • Le changement climatique pourrait rendre 10% des terres arables incultivables.
  • En 2023, l’Hexagone a perdu 13 000 hectares d’espaces agricoles à cause de l’expansion urbaine irréversible, soit plus que la superficie de la ville de Paris.
  • En 2023, entre 15 000 et 20 000 hectares de terres agricoles ont été détournés de leur vocation agricole terre d’agrément.
  • Plus d’un quart des agriculteurs ont plus de 60 ans et d’ici 2030, plus de 5 millions d’hectares de terres agricoles changeront de main.
  • En 2018, les SAFER ont effectué des préemptions partielles pour près de 10 % du total de leurs préemptions en valeur et près de 6 % en nombre d’actes.

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